Votre anti-sèche copro : la loi du 10 juillet 1965

Au milieu des années 1960, la copropriété française fonctionne encore sous l’empire d’une loi de 1938 devenue trop souple et peu opérante : de nombreuses décisions exigent l’unanimité, le syndic dispose d’une autorité limitée et le recouvrement des charges reste lourd. Or, depuis l’après-guerre, l’essor de l’habitat collectif et des grands ensembles multiplie les immeubles, les lots et les copropriétaires, révélant au grand jour ces fragilités. Professionnels et juristes dénoncent alors les blocagesabus de minorité, gouvernance floue, procédures inadaptées — et appellent à une refonte. Adoptée le 10 juillet 1965, la nouvelle loi ne crée pas la copropriété : elle la modernise et l’unifie. Elle clarifie la définition des lots et des parties communes, consacre un véritable syndicat de copropriétaires, renforce le rôle du syndic et introduit des règles de majorité graduées pour décider plus efficacement. Le décret de 1967 viendra en préciser les modalités pratiques, achevant de rendre le régime pleinement opérationnel.

Ce que la loi change concrètement

Adoptée en 1965, la loi érige un véritable statut général et impératif de la copropriété. Elle commence par fixer clairement l’objet et l’unité de base — le lot (partie privative + quote-part de parties communes) — et consacre le règlement de copropriété comme charte de l’immeuble (destination, droits d’usage, répartition des tantièmes). Elle institue ensuite une gouvernance structurée : le syndicat des copropriétaires devient une personne morale dotée de capacités propres, l’assemblée générale décide et le syndic exécute, sous le contrôle d’un conseil syndical. Surtout, la loi introduit un système de majorités graduées (simple, absolue, double majorité/unanimité) qui remplace l’unanimité quasi systématique de l’ancien régime et débloque la prise de décision, notamment pour les travaux et l’entretien.

Sur le plan financier, la loi organise les charges selon l’utilité et la quote-part, sécurise leur recouvrement (outils spécifiques au profit du syndicat) et encadre la comptabilité et la trésorerie tenues par le syndic. Elle délimite les pouvoirs de chacun sur les parties communes et privatives, précise les règles de travaux et d’amélioration, et sécurise les mutations de lots (information de l’acquéreur, apurement des comptes, opposition du syndic en cas d’impayés). En pratique, ces dispositions ont professionnalisé la gestion, uniformisé les pratiques dans tout le pays et permis d’adapter la copropriété aux grands ensembles sans sacrifier la protection des minoritaires : un équilibre qui explique la longévité du texte et sa capacité d’intégration des réformes ultérieures sans renier son architecture d’origine.

La jurisprudence qui fait vivre la loi

Destination & travaux (aspect extérieur)

  • Règle. Respecter la destination de l’immeuble et voter aux bonnes majorités (art. 25 b/26).
  • Pratique. Le juge annule si l’AG oublie la destination ou applique la mauvaise majorité.
  • Référence. Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n° 00-16.145.
  • À retenir. Destination + majorité = couple indissociable.

Jouissance privative sur parties communes

  • Règle. La jouissance n’est pas la propriété ; son octroi/modification → majorités élevées (souvent art. 26), parfois unanimité.
  • Pratique. Les autorisations trop souples sont sanctionnées.
  • Références. Cass. 3e civ., 2 oct. 1979, n° 78-13.100 ; 20 mars 2002.
  • À retenir. Prudence sur les votes et la rédaction.

Répartition des charges & clauses réputées non écrites

  • Règle. Clause illégale = réputée non écrite → le juge refait la clé conforme.
  • Pratique. Remise en conformité possible, même tardive, si la clause tombe.
  • Références. Cass. 3e civ., 10 sept. 2020, n° 19-17.045 ; 25 janv. 2024, n° 22-22.036.
  • À retenir. Une clé bancale ne survit pas au prétoire.

Charges générales / spéciales & opposabilité des comptes

  • Règle. Respect strict des catégories (utilité vs tantièmes) ; les comptes approuvés sont opposables tant qu’ils ne sont pas annulés.
  • Pratique. Les recours tardifs/mal ciblés échouent.
  • Références. Cass. 3e civ., 25 oct. 2018, n° 17-18.896 et 17-18.740.
  • À retenir. Verrouiller les clés dès l’origine et agir vite en cas de contestation.

Responsabilité du syndicat (désordres / inertie)

  • Règle. Le syndicat répond des désordres des parties communes et de son inertie (perte de loyers, etc.).
  • Pratique. Indemnisations régulières au profit des copropriétaires.
  • Référence. Cass. 3e civ., 26 sept. 2024, n° 23-15.424.
  • À retenir. Zéro tolérance pour l’inaction : gestion diligente et traçable.

De 1965 à 2024 : la mue continue

  1. 1967 — Décret d’application. Le décret n° 67-223 structure la procédure (AG, convocation, PV, mandats, etc.) et reste, encore aujourd’hui, le mode d’emploi quotidien de la copropriété (source : Légifrance).
  2. 2000 — Loi SRU. Premier tournant « modernisation » : compte bancaire séparé, règles de mise en copropriété et de gestion renforcées ; la généralisation du compte séparé sera achevée plus tard (source : Matera).
  3. 2014 — Loi ALUR. Accélération nette : compte bancaire séparé obligatoire pour toutes les copropriétés, fonds de travaux (obligatoire depuis le 1ᵉʳ janvier 2017, sauf exceptions), immatriculation au registre national et élargissement des informations à fournir (extranet) (source : LegalPlace).
  4. 2018 — Loi ELAN. Ajustements de gouvernance et précision de la liste des documents à mettre en ligne sur l’extranet ; assouplissements pour faciliter certains votes de travaux (notamment énergétiques) (source : Luko).
  5. 2019 — Grande réforme par ordonnance. L’ordonnance n° 2019-1101 refond en profondeur la loi de 1965 : périmètre d’application par typologie de copropriétés, clarification des majorités, encadrement des parties communes spéciales et à jouissance privative, délégations, pouvoirs du syndic/syndicat, etc. Elle constitue la « version 2.0 » du statut (source : Légifrance).
  6. 2020 — Décrets d’application. Les décrets (dont le n° 2020-834 du 2 juillet 2020) mettent en musique la réforme : fonctionnement des AG (y compris à distance), formalisme des décisions, documents à communiquer, etc. (source : Légifrance)
  7. 2024 — Ratification & nouveaux leviers. La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 ratifie l’ordonnance de 2019 et introduit des outils concrets, notamment la refonte de l’emprunt collectif : s’il est voté en AG, il s’applique par principe à tous, avec une possibilité de refus individuel encadrée dans le temps (opt-out sous conditions). D’autres mesures visent à fluidifier la gestion et le recouvrement (source : Légifrance).

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Maître Trolos

Maître Trolos

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